Articles

La moindre des choses que l’on puisse exiger de quelqu’un, avec lequel on décide de s’investir dans un projet commun, est qu’il fasse preuve du même engagement que le nôtre. Cet objectif est bien sûr louable, car on ne voit pas très bien comment construire une relation solide sans cet accord réciproque.

S’il est tout à fait logique de considérer qu’en cas de rupture ce contrat tacite devient caduc, il en va tout autrement lorsque les partenaires qui se séparent ont des enfants en commun.

Que faire alors, lorsqu’un père ou une mère utilise ses enfants, autant comme appât que comme moyen de décourager les tentatives d’implication de l’autre parent ?

„Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux,
mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier.“

- Khalil Gibran -
Si vous êtes la cible d’un tel traitement vous vous interrogez d’abord sur sa raison d’être. Si vous faites preuve d’une certaine capacité à vous remettre en question, il n’est pas exclu que vous cherchiez à améliorer votre comportement, pensant qu’il est probablement la cause des difficultés rencontrées. Malgré vos efforts louables, il n’est cependant pas exclu que la situation ne bouge pas d’un iota.  Pour sortir de l’impasse, il est possible que vous cherchiez alors l’assistance d’un tiers, par exemple un médiateur, afin de briser le silence hostile de votre ex. 

Après avoir tenté de multiples approches, vous en arrivez peut-être à la conclusion que le vrai problème est de continuer de croire que vous faite partie intégrante du problème.  

Et si votre ex-partenaire, la mère ou le père de vos enfants n’avait pas simplement intérêt à ce que la situation n’évolue pas ?
En d’autres termes,  n’a-t-il tout simplement pas envie de vous éjecter de la vie de vos enfants?

Bien entendu, il ne vous avouera jamais une telle vérité.  Non pas par peur de vous offenser, car il n’en a probablement cure,  mais pour la simple et bonne raison  que votre engagement est la condition sine qua non de la réalisation de son plan. Face à cette hypothèse dérangeante, vos idéaux familiaux risquent d’en prendre un sacré coup. Dans un premier temps, il est probable que  vous allez chasser de votre esprit la vision assez perturbatrice d’un ex-conjoint s’acharnant à gommer votre rôle parental.

Il arrive toutefois un moment, où il ne faut plus se voiler la face et affronter la réalité, telle qu’elle est.  Lorsque vous persévérez à vous sentir responsable d’un comportement inadmissible, alors que vous n’y êtes manifestement pour rien, vous acceptez implicitement d’en supporter le poids moral. Avec les conséquences que cela implique pour votre santé.    Votre impuissance à changer le cours des choses est insupportable, tant que vous ne comprenez pas qu’à l’impossible nul n’est tenu.

Pourquoi donc chercher une cure à un mal qui ne vous appartient pas?

Si ce n’est pas vous qui êtes à l’origine de cette  situation sans issue. Cela n’a plus aucun sens de vous en prendre à vous-même. Dès maintenant, vous pouvez vous épargner le temps, l’énergie et la douleur que cette situation génère.

Et les enfants alors ?
Faut-il les abandonner à leur triste sort?

Le seul rappel des enfants vous brise l’âme. Votre réaction est d’autant plus compréhensible que votre amour est vraiment désintéressé. Vous ne faites pas partie de ces parents qui jouent avec les sentiments de leurs enfants, qui les instrumentalisent afin d’assouvir une vengeance personnelle. Cela votre ex-conjoint le sait aussi. Il sait parfaitement que ce serait agir contre votre propre nature, si vous vous comportiez comme lui. Vous n’avez pas envie de vous abaisser à son niveau. Vous n’avez pas envie de vous renier. Cette décision vous honore.

Mais quelle autre choix avez-vous, si vous avez épuisé toutes les alternatives?
Ceux qui disent vouloir vous tirer d’affaire, vous conseillent de vous lancer dans la mêlée et de ruer dans les brancards. Selon eux l’affrontement direct est inévitable.
Cela est très tentant n’est-ce pas?

Pourtant, c’est un leurre terrible qui aveugle de nombreux couples qui se déchirent. D’une part, la haine ne parvient jamais à réparer ce que l’amour n’est pas parvenu à construire.  D’autre part, en vous éloignant toujours plus de vos nobles valeurs vous ne faites qu’être ravalé à un niveau, où le cynisme et de dégoût de vous-même trouvent un terreau fertile.

Pensez-vous sérieusement,  un seul instant,  qu’un enfant se réjouit d’avoir pour parent, celui qui a terrassé son père ou sa mère dans un combat fratricide?

Les enfants ont besoin de modèles fiables. Ces modèles nous survivent.

Ce que fait votre conjoint, aussi détestable que cela puisse être,  ne doit jamais susciter une réponse propice à briser l’attente d’un enfant. Vous devez faire l’effort de comprendre que si votre ex-conjoint agit d’une manière aussi nocive, c’est qu’il est en totale disharmonie avec le monde. Pire encore, son aveuglement le conduit à penser que le mal ne provient pas de lui. S’il se trouve dans cet état, c’est que probablement il n’a jamais acquis de modèles fiables. Vous devez vous protéger,  ainsi que vos enfants,  même de manière indirecte,  de la spirale négative produite par le comportement abusif de votre ex-conjoint. Le meilleur moyen est la déresponsabilisation positive.

Déresponsabilisation, car vous refusez par votre propre comportement de légitimer un engrenage fatal. Positive, car cette déresponsabilisation ne vise pas à battre passivement en retraite. Au contraire, une vigilance attentive opère toujours en coulisses, afin de saisir la moindre opportunité de changer le cours des choses. Avec patience cette occasion se présentera. Si ce n'est pas de votre vivant, ce sera après.