Il existe des situations de maltraitance envers l'enfance dont l'aliénation parentale et sociale ne sont que les étapes préliminaires d'un abus encore plus grave.

C'est le cas d'une pathologie difficile à déceler qui consiste, de la part d'un parent, à instiller un état maladif chez son enfant, conduisant à des interventions médicales répétées et inutiles, provoquant chez l'enfant des souffrances physiques et morales souvent irréversibles.

„ Lorsque l’on s’intéresse à l’origine des violences intra-familiales, à leurs causes, on est souvent renvoyé à des répétitions d’événements du passé parental qui empêchent toute relation non destructive avec l’enfant. “
- Selma Fraiberg -

Syndrome de Münchhausen

Ce trouble a été défini par les spécialistes comme le syndrome de Münchhausen par procuration.

Dans la réalité des faits, que se cache-t-il derrière ce terme un peu abscons ?

Le parent abusif est convaincu que son enfant a un problème physique, alors qu’à la base, il existe plutôt un grave problème relationnel entre ce parent et son enfant, dont ce dernier est par ailleurs entièrement innocent et le plus souvent inconscient. Nous observons, dans la première phase de cette pathologie psychologique, un déplacement sur l'enfant d'un conflit qui n’appartient qu’à l'adulte. Les parents atteints par le syndrome de Münchhausen ont différents troubles de la personnalité qu'ils projettent sur leur enfant. Ils se positionnent ensuite comme des secoureurs, se focalisant complètement sur la résolution des prétendus problèmes de santé de ces enfants.
Au nom de l'amour indéfectible qu'ils affirment vouer à leurs enfants, ces parents leur font en réalité vivre un vrai calvaire. Ils leur occasionnent des souffrances inutiles à travers notamment des interventions chirurgicales. Dans la plupart des cas, leurs agissements s'exécutent en toute légalité, puisqu’ils parviennent à gruger ou à instrumentaliser le corps médical, afin d’atteindre leurs objectifs.

Avant d'établir ce genre de relation abusive avec des intervenants externes, ces parents perturbés doivent au préalable contrôler et s’approprier l’espace privé de l'enfant. Ce qu’ils parviennent à faire, en se défaisant des gêneurs potentiels susceptibles de dénoncer la nature abusive de leur attitude. Ils réalisent notamment leur agenda à travers l'aliénation parentale, qui vise à exclure l'autre parent de la triade familiale. Ce parent rejeté et stigmatisé est souvent rendu responsable des troubles psychologiques de l'enfant, qui eux sont bien réels, puisqu’ils constituent une des conséquences de l’abus physique dont il est victime.

Après avoir fait le vide autour d'eux, en ne conservant que des intervenants qui partagent leur point de vue, ces parents vont s’atteler à leur mission de séduction publique, fondée sur l’apitoiement et le faux dévouement. Cette étape, qui vise à établir une image sociale de respectabilité, est le prolongement de l'aliénation. Par l’utilisation de divers artifices, la tromperie passe inaperçue. Typiquement, ces parents affirment sans aucune gêne avoir été abusés dans leurs relations précédentes. Il n'est pas rare qu'ils invoquent ces mêmes raisons pour justifier l'état maladif de leurs enfants. Ces parents prétendent ensuite être les seules personnes capables de s'occuper de la santé de leurs enfants. Dans la plupart des cas, ils se disent trahis par l'autre parent, qui a selon eux abandonné l'enfant souffrant, dont il ne voulait pas.

Comme l'autre parent est absent et que sa situation sociale n'est pas toujours réjouissante en raison des contrecoups de son exclusion, les intervenants externes n'ont aucune peine à avaliser l'histoire personnelle du parent perturbé, le seul en mesure de s’occuper de l'enfant. Le parent exclu devient ainsi un responsable commode. Il est l'unique cause de tous les malheurs de l'enfant et du parent qui a sa garde.

Comme ces parents ont pris bien soin de couper tout contact avec les membres de la famille du parent écarté, ainsi que d’effacer les traces compromettantes de leur passé, plus personne n'est en mesure de vérifier leurs allégations mensongères

Les enfants sont d'autant plus impuissants à réagir qu'ils sont laissés à la complète merci de ces parents abusifs. La seule chose que l'enfant est capable de faire est de se conformer aux règles imposées par le parent qui a sa garde, en ne le contrariant surtout pas. L'enfant est par ailleurs précocement immergé dans un monde d'adultes. Lors des visites médicales qui lui sont ordonnées, l'enfant constate notamment l'ascendant psychologique que ce parent exerce sur le personnel médical. Il en est de même dans son éducation scolaire et ses activités sociales, fortement conditionnées par les impératifs de l'autorité monoparentale.

Ces parents imposent leur vision du monde très réductrice à toutes les personnes qu'ils fréquentent. Ceux qui mettent en doute leur bonne foi sont systématiquement écartés, comme l'autre parent l'a été précédemment.

Il est par ailleurs important de saisir que ces parents sont entièrement convaincus de servir les meilleurs intérêts de l'enfant. Lorsque l'enfant se plie à leurs attentes, ils savent se montrer généreux et affectueux, ce qui a pour effet de plonger l'enfant abusé dans le doute au sujet du traitement discordant qu'il reçoit.
Et si tout cela était vraiment pour son bien ?
L'enfant constate aussi le profond mal-être de ce parent. Il assiste à ses crises émotionnelles, à ses pleurs, à ses manifestations de haine, de rage, de dépit et de désespoir. Même s'il ne sait pas pourquoi ce parent a de telles réactions disproportionnées, il finit par croire qu’il a de bonnes raisons de se comporter ainsi.

À ce stade, le parent absent n'a même plus besoin d'être directement désigné comme bouc émissaire, pour que l'enfant se convainque, de lui-même, que c'est son influence néfaste qui se cristallise sous ses yeux à travers les malheurs du parent qui « prend soin » de lui.
Finalement, ce n'est pas seulement la vie privée de l'enfant qui est profondément dénaturée par ce rapport pervers, mais également son monde extérieur, qui est le reflet de l’univers chaotique que lui dépeint ce parent.

L'isolement de l'enfant va donc de pair avec une volonté, de la part du parent qui s’occupe de lui, de se l'approprier totalement, autant physiquement que spirituellement. Comme il est entièrement subjugué par la réalité réductrice que lui impose le parent abusif, l'enfant acquiert progressivement le sentiment qu'il est différent des autres enfants, en raison de ses maladies.
Il devient très difficile à l'enfant de développer sa vraie personnalité et une manière autonome d'appréhender la réalité. C'est le miroir de ce parent. Il n'existe qu'à travers cette symbiose toxique.

Pour donner le change, la personnalité publique du parent abusif est toutefois diamétralement opposée. Non seulement il devient pour son entourage un parent dévoué et exemplaire en s’occupant d'un enfant souffrant, mais de plus, il se place vis-à-vis de la collectivité en garant moral de la famille. Toutes les interactions de ce parent avec les étrangers sont ainsi marquées du sceau de l'imposture. Son zèle à soigner l'enfant souffrant est perçu comme une marque d'empathie et d'amour inconditionnel.

Certains parents pourraient se résigner en constatant le mauvais sort incessant qui s’abat sur leur progéniture, mais en prenant pour exemple ce genre de parent qui multiplie les interventions dans les centres médicaux, ils ne peuvent que se raviser et poursuivre leurs efforts. Sans doute est-ce le seul effet positif sur la collectivité de la supercherie de ces parents abusifs, car n'oublions pas que leurs enfants à eux sont parfaitement sains et qu'ils les font souffrir dans l'unique but d'en tirer une satisfaction égocentrique.

Mode opératoire

Le parent abusif se présente comme étant très attentif à la santé de son enfant. Il est son unique protecteur et donneur de soins, de manière assez exclusive et envahissante. Typiquement, il n'existe personne dans son entourage faisant résonner un autre son de cloche.

Le parent abusif cherche à établir le plus rapidement possible une alliance avec le corps médical. Son rôle est directif, contrairement à un parent qui est plutôt dans l'attente des résultats de l'analyse médicale.

Le parent abusif a une idée plus ou moins précise du mal dont souffre l'enfant, même s'il donne l'impression de rechercher un diagnostic circonstancié. En réalité, il cherche juste à faire valider sa croyance préexistante. Le médecin n'étant là que pour authentifier la bonne foi de ce parent et du traitement qu'il estime approprié pour son enfant.

Le médecin est pris en otage et ne doit qu'à une conscience professionnelle particulièrement aiguisée de ne pas légitimer l'abus en cours. De nombreux médecins ne renoncent pas pour autant à administrer l'arsenal thérapeutique que le parent abusif prévoit pour « soigner » son enfant.

Le mal dont souffre l'enfant n'est pas très conventionnel et ne s'explique pas d'un point de vue purement scientifique.

Le parent abusif met rapidement un terme au traitement, s'il n'obtient pas gain de cause, à savoir si l'enfant est considéré n'avoir aucun problème de santé particulier par le médecin qui l’ausculte. Ce parent continue néanmoins à administrer des médicaments à son enfant. De sa propre initiative personnelle, s'il n’obtient pas d’ordonnance médicale ou en recourant parfois à des thérapies et des traitements controversés.

Psychopathologie du parent abusif

Même pris sur le fait, ces parents nient toute maltraitance envers leurs enfants. Dans les cas extrêmes, lorsque l'enfant succombe aux sévices du parent abusif, celui-ci accuse le médecin en charge ou les services hospitaliers d'avoir commis des négligences médicales ayant conduit à l’issue fatale.

Le parent abusif ne manifeste aucune empathie envers son enfant, qui est considéré comme une extension physique de lui-même. L’attention parentale est uniquement dispensée à l’enfant dans un but d’instrumentation au service intégral de la problématique de l’adulte qui est censé s’en occuper.
L'enfant fait partie du psychodrame créé par le parent. Le parent insensible et incapable d'aimer se mue en protecteur soignant. Il actualise ses conflits avec l'enfant. C'est en définitive lui qui se soigne à travers l'enfant. Ce sont ses troubles à lui qu'il transmet au corps et à l’âme de l'enfant.

La projection lui permet de se décharger de toute responsabilité. Il n'abuse pas, il prend soin.