Religion : Système de représentation du monde et de croyances fondé sur la foi, et consolidé par l’accomplissement de rites dans le cadre d’un culte rendu à une ou plusieurs puissances, souvent célestes.
La religion a le pouvoir de rassembler, mais aussi de diviser. L'éducation religieuse est censée conduire à un monde nouveau, sous le règne d'un Dieu d'Amour. L'amour est l'incontournable principe qui motive la foi religieuse. Pourtant, la religion contient paradoxalement les germes de la discorde, produits par l'impossibilité de s'entendre sur les moyens d'atteindre ce noble idéal.
Dans la réalité, les croyances religieuses dressent souvent les individus les uns contre les autres, provoquant des dissensions au sein même des collectivités partageant théoriquement les mêmes valeurs. De une et indivisible, l'église originelle s'est transformée, au cours des âges, en une multitude de chapelles, entrant en compétition les unes avec les autres, suscitant soit la condamnation ou l’indulgence des courants dominants, soit l'envie et la jalousie de ceux essayant de se faire entendre, ou plutôt d'imposer leur voix dissidente.
„ We have in our society an assumption that religion is for the most
part benign or good for you. Sanitizing religion makes it all the more
insidious when it is toxic. “
- Marlene Winell -
L'aliénation est le résultat de l'échec rassembleur de la religion. L'individu aliéné est celui qui a perdu la vraie foi et qui vit reclus dans un monde figé, sans relation avec ceux qui sont différents de lui. L'enfant aliéné est le produit d'adultes de la même trempe, dont le développement spirituel s'est arrêté, car entièrement conditionné par leurs croyances sclérosées.
Endoctrinement pervers
L’idéologie qui est à la base de l'aliénation est totalement incapable de se remettre en question. Elle part du principe qu'il n’y en a point comme nous. L’orgueil est purement compensatoire. Il a pour unique fonction de dissimuler la peur. La peur de l'inconnu, la peur de la diversité, la peur de s’interroger. L'aliénation, la plus parfaitement aboutie, crée des individus incapables de penser, qui fonctionnent comme des automates.
Cette condition est celle partagée par de nombreux enfants, vivant dans des familles où la vérité éternelle se transmet de père en fils, ne laissant aucune place au doute et à l’examen critique de la réalité. Cette triste condition est aussi celle d'un enfant manipulé, afin de prendre parti dans le conflit qui oppose un parent aliénant avec son ex-conjoint. Une guerre souvent unilatérale, permettant au parent aliénant, grâce à une intense instrumentalisation de son enfant, de légitimer son hostilité envers l'autre parent.
L’aliénation est un abus perpétré par ceux qui ont dénaturé, autant le sens de la vraie religion, que celui des vrais rapports humains. En observant le fonctionnement coercitif de l'endoctrinement religieux, ainsi que ses conséquences nuisibles, l'observateur a, par la même occasion, la possibilité de lever le voile sur un abus encore plus insidieux, car s'exerçant dans la plus grande intimité, derrière les portes closes d'un logement, où un enfant est à la complète merci d'un parent aliénant. Que ce soit la figure autoritaire d'une secte régentant, dans les moindres détails, la vie de ses membres, ou un parent manipulateur ayant un ascendant total sur son enfant, les auteurs de ce genre d'abus ont des modes opératoires très similaires. D'ailleurs, il est fréquent de voir des parents aliénants agir sous le couvert de la religion (de leur religion, il va sans dire) ; comme il n'est pas rare d'observer des gourous de sectes, donnant l'illusion d'officier comme d’affectueux pères de famille.
Avant d'en arriver à cette impasse mentale et physique à laquelle conduit un endoctrinement pervers, il y a d'abord un traumatisme qui est expérimenté par chaque individu, enfant ou adulte, dans l’incapacité de changer le cours de son destin, lorsqu’il est mis devant le fait accompli d’un esprit borné. L'influence et la coercition exercées sur la victime sont souvent subtiles. Elles se justifient habituellement par des prétendus impératifs moraux, difficilement contestables. Cependant, elles laissent des traces, même si elles sont invisibles au regard des autres. Un observateur inexpérimenté passe facilement à côté de l'essentiel, lorsqu'il est confronté à un pur produit de la propagande. Le phénomène de l'abus est dissimulé à un tel point, que les victimes, elles-mêmes, ont tendance à le nier. Cette attitude incompréhensible au premier abord se révèle déstabilisante, pour quelqu'un qui souhaite apporter une confirmation à son hypothèse, et qui compte notamment sur le témoignage des victimes principales pour dénoncer le responsable de l'abus, que ce soit un religieux ou un parent maltraitant son enfant.
Pourtant le traumatisme a eu lieu, bien avant celui qu'affronte l'adepte ou l'enfant, lorsqu'il réalise soudain ce qu'il a enduré, et qu’il cherche finalement à se libérer de cette emprise.
Renonciation quotidienne
Mais en quoi consiste ce traumatisme initial, qui ne semble laisser aucune trace, même chez ceux qu'ils l'ont visiblement subi?
Ce traumatisme est fondamentalement un renversement de valeurs, un changement de rôles qui s'effectue à un moment crucial, où l'individu vulnérable n'a pas les moyens d’identifier ce mécanisme, ni les ressources pour y faire face.
Dans un mouvement sectaire, ce moment correspond à la transmission de la « vérité » qui s’effectue automatiquement à travers l'approbation unanime et tacite des autres adhérents. Subitement, le nouvel adepte est immergé dans une nouvelle réalité parfaitement ordonnée, qui fait office de vérité. Pour illustrer cette conversion et cette adhésion aux nouvelles règles, on parle volontiers de « conversion » ou de « renaissance ». Être né à nouveau, alors que l’adepte n’a peut-être jamais rien connu d’autre que le milieu dans lequel il est né physiquement, est pour le moins paradoxal. Ce renouveau implique obligatoirement un rejet de l'enveloppe précédente. Il s’agit d'une mutation ou d'une mue, comme certains animaux qui se dépouillent de leur peau précédente. Il y a une forte composante émotionnelle dans ces rites initiatiques qui forcent la nouvelle recrue à considérer que son histoire a désormais un avant et un après. L'avant n'a plus de sens qu'en fonction de l'après, et l'après c'est maintenant. C'est cette renonciation quotidienne imposée à l’adepte.Le temps et l'histoire personnelle n'ont de valeur qu'en fonction de la mission actuelle de l’adepte, qui est désormais celle de perpétuer un mythe. Celui d'une classe supérieure, ou d'élus prédestinés à atteindre le nirvana. Dans ces conditions, les liens antérieurs n'ont plus d'importance, ou plutôt ils conservent une certaine signification que s’ils s’inscrivent dans la nécessité d'entretenir l'illusion présente. Le futur lui-même est bouché, car il est soigneusement balisé par les mêmes chimères. Paradoxalement, l'attrait du merveilleux est le résultat de l'interdiction de penser par soi-même. Il semble ouvrir des perspectives sans fin, à partir du moment où qu'il n'est plus permis d'imaginer un autre quotidien. Le conditionnement est à l’œuvre dès les premiers pas dans la secte. Il ne laisse place à aucune surprise. Il se crée obligatoirement une scission entre la morne réalité des rituels, et l’idéal inatteignable, qui reste en point de mire, comme la carotte devant l'âne. Sans compter que le bâton est toujours là pour faire filer droit ceux qui s’égarent.
Mais la menace n'est pas physique, comme pour l'animal que l'on ne peut raisonner. Elle est avant tout mentale. Elle s’incruste dans l'esprit de la victime, au point qu'il en a peur. Sa crainte se manifestant avant même de savoir de quoi il a peur. Les sanctions comme l'excommunication, ne sont jamais directement formulées. Seul leur effet est indirectement perceptible, à travers le sort de ceux qui subissent l’ostracisme. Ces personnes ont été rayées de la carte, elles n'ont plus de territoire pour vivre. Elles sont devenues des parias, des zombies vivant en marge de la société. Leur punition est d'être bannies à vie. Tout le monde redoute de partager leur triste sort. Les faux espoirs, et les menaces d'exclusion, sont les effets secondaires de la poudre de perlimpinpin, que la victime de l’abus ingurgite quotidiennement.
Les formes de la coercition
L'endoctrinement religieux, comme celui provenant d'un parent aliénant, a des conséquences dommageables et durables. Il implique toujours une négation de la réalité, un renversement des rôles, et l'acquisition de nouveaux automatismes, auxquels l’individu s'adapte, afin de donner l'impression de fonctionner normalement.
Dans la réalité de tous les jours, l'enfant manipulé doit faire face à la confusion provoquée par les pressions suivantes:1. Le chantage émotionnel
2. La double contrainte
3. La peur de penser
4. La peur de se retrouver seul
1. Le chantage émotionnel
Il s'agit de faire comprendre, le plus rapidement possible, à l'enfant que les marques d'estime, qu'il reçoit, sont conditionnées par son alignement. On l'aime, s'il adhère à la croyance. On l'admire, s’il manifeste sa dévotion envers la religion commune. On le soutient, s’il s’éloigne d’abord de ceux qui se situent hors du groupe. On le respecte, s’il vénère ceux qui le dirigent. On le gâte, s’il châtie sévèrement les brebis galeuses. Finalement on le punit, lorsqu’il n’est pas à la hauteur des attentes qu’on a placées en lui. Le chantage émotionnel introduit la notion de condition, dans tout ce que l'individu sous emprise est susceptible d'obtenir des autres. Amour, respect, admiration, récompense, amitié, affection, sexualité, tout cela est possible à la seule condition de satisfaire aux impératifs promulgués par celui qui a l'autorité. Dans ce processus d’asservissement, l'individu, en tant que personne, s’incline face à une vérité qui le dépasse, un dogme qui finit par régenter sa vie en profondeur. L'enfant aliéné, comme l'adepte religieux, en est réduit à servir une cause qui lui est étrangère, mais qui paradoxalement conditionne entièrement son comportement.
2. La double contrainteLa double contrainte est inhérente à la contradiction implicite existant entre le haut degré d'abstraction d'une quête inatteignable et sa pratique quotidienne se heurtant aux difficultés de la réalité. Au niveau mental, la poursuite du bien, tel qu'il a été défini, présuppose d'écarter tout ce qui personnifie le mal, et par conséquent, d'abord de l'identifier selon des critères totalement subjectifs. De telle manière que la recherche ne peut s’effectuer qu'à travers une multitude d'interdits qui empêchent toute liberté de penser, sur laquelle devrait pourtant reposer la vraie poursuite du bien. Dilemme insoluble, auquel est donc confronté l'adepte, puisque cela revient à dire que la vérité ne peut être atteinte qu'en renonçant aux outils de connaissance qui nous sont fournis.
Au niveau affectif et physique, la même coercition est à l’œuvre, plaçant l'enfant aliéné dans la même impasse. Les sentiments, ne pouvant s’exprimer à partir d'un ressenti autonome, et devant dépendre d'attitudes empruntées à autrui, l'individu aliéné perd le pouvoir de décider par lui-même dans la dimension affective de sa vie. Lorsqu’il parle d’amour, cela n’a rien à voir avec un sentiment le conduisant à un partage désintéressé avec ses pairs. La fonction dénaturée qu'acquiert l'amour, lorsqu'il sert des intérêts idéologiques, se limite à émettre des fausses promesses s’exerçant sous le régime de la condition.
Le comportement physique de la personne manipulée est également soumis à la contradiction. La coercition est confondue avec la maîtrise de soi. L'individu s’autocensure, croyant faire des choix conscients et réfléchis. De même qu'il a l'impression de réaliser ses aspirations légitimes personnelles, alors qu'il ne fait que respecter un programme préétabli, par d’autres.
Le court-circuitage résultant de l'impossibilité de ressentir des vraies émotions et de les exprimer au quotidien, produit une espèce de vie par procuration où l'individu aliéné n'est plus maître de son destin, mais où il a paradoxalement d'autant plus besoin de ces règles substitutives pour lui procurer un semblant d'équilibre.3. La peur de penser
La peur de penser est le résultat de la paralysie produite par la double contrainte. Soit l'impasse créée par la double contrainte conduit à la prise de conscience de la nécessité de supprimer cet état perturbant, soit il conforte la personne aliénée qu'elle n'a pas d'autre choix que de ne pas penser par elle-même. Bien entendu, plus une personne est vulnérable, plus elle renoncera à contester l'autorité qui la place devant ce dilemme insoluble. La peur de penser est donc la sanction de l'impuissance de l'individu face au système imposé par le groupe.
L’idéologie du groupe en question, personnifiée par une autorité morale et religieuse, ou par un parent aliénant, soutenu par sa garde rapprochée et son réseau de soutien, s’appuie d'abord sur une manière de penser, mais aussi à des règles bien précises de comportement, que l'adepte ou l'enfant aliéné doivent suivre aveuglément. Dans ce système, aucune remise en question n'est possible. Aucune pensée contradictoire n'est autorisée. Ce système est l’expression de la coercition à l'état pur, de laquelle il est impossible de s'extraire, pour la simple et bonne raison que l'idée même de la libération n'existe plus.4. La peur de se retrouver seul
Lorsque la récompense, qu'elle soit symbolisée par le paradis promis, ou la marque d'affection que tout enfant souhaite obtenir de ses parents, ne survient qu'en raison des bons et loyaux services fournis, une réalité s'impose alors aux yeux de celui qui subit cet abus : par sa propre volonté, rien ne lui est accessible. En d’autres termes, il ne peut être aimé pour ce qu’il est intrinsèquement, mais uniquement par sa capacité de se couler dans le moule qui lui est préparé. Dans ces conditions, il subsiste toujours le doute de ne pas parvenir à combler les attentes d’autrui. Finalement, il ne doit qu'à la grâce divine d'être sauvé et d'aller au paradis, de même qu'au bon vouloir de son géniteur de recevoir cette marque d'estime, dont il a tant besoin.
Il y a cependant encore pire condition que celle d'être pendu aux lèvres d'un prédicateur ou d'un parent aliénant, dans l'espoir de recevoir des paroles réconfortantes qui font lever, du moins provisoirement, le doute sur son propre salut et donc sa propre humanité, c'est la peur terrible de perdre ce « soutien ». La peur de se retrouver seul.Pourtant, cette solitude si redoutée, qui implique de devoir de séparer de ceux qui procurent une illusion de communion et de réciprocité, est le parcours obligé des victimes de l'aliénation. Il n'est en effet pas possible de quitter sans transition un état de coercition pour retrouver la liberté, la liberté de penser et d'être soi-même il s'entend, en particulier lorsque cette liberté n'a jamais existé auparavant, sans prendre conscience de l'abus subi. Sans se rendre compte à quel point l'aliénation a pénétré à l'intérieur de l'individu, au point de le façonner entièrement et de réduire son identité à un simulacre de la normalité, il est illusoire de pouvoir s’en défaire.
Comment ne pas avoir peur de se retrouver seul, lorsque la solitude est la sanction implicite du refus de s’aligner?Comment ne pas avoir peur de se retrouver seul, lorsque la famille et les amis se lèveront comme un seul corps pour rejeter un des leurs, s’il ne suit pas la ligne directrice?
La condition de l’individu aliéné, qui s’offre le luxe de réfléchir, est comparable à celle d’un dissident, sur lequel s’abat l'opprobre du groupe. S’il ne file pas droit, il risque alors d’être la cible de la haine, de l’intolérance et de la cruauté de ceux qui prétendent avoir pris « soin » de lui.
Vaincre l'aliénation
Il existe cependant dans chaque individu, même le plus brimé, une petite lumière. Une petite lueur d'espoir, capable de croître et d'éclairer sa vie, au point de le conduire à suivre la voie juste. Cette lanterne n'est pas celle de la vérité toute faite, illusoire et trompeuse. Cette lanterne n'est pas brandie par une main maculée du sang des innocents. Cette main désintéressée provient uniquement de l'envie de savoir, de découvrir la vie, sans idée préconçue. De découvrir l'extrême beauté de l'incertitude et de suivre le chemin où nous conduit la curiosité sans préjudice, sans parti pris, avec une âme d'enfant. Une âme qui n'a pas encore été dénaturée par les intentions malhonnêtes de certains adultes.
Retrouver cette joie de vivre, sans devoir se justifier, sans juger, sans condamner, est possible car tout individu a en principe vécu cela, si ce n'est que dans les premières heures de son existence. Vaincre l'aliénation, c'est briser les liens de l'oppression imposés par certains individus sur des innocents, c'est retrouver le repos de l'âme, c'est embrasser la solitude créatrice qui donne envie de vivre pleinement, afin de réaliser le potentiel extraordinaire présent en chacun de nous.