S'adapter à une situation d'aliénation parentale, si préjudiciable au développement d'une relation harmonieuse, est souvent un vrai tour de force.
Il s'agit d'abord d'accepter un état de faits qu'il est illusoire de pouvoir modifier sans la participation du principal obstacle. En règle générale, il s’agit d’une personne plutôt butée, dont le comportement imprévisible et chaotique sont les marques de fabrique.
Comment se soustraire à son influence ?
Comment surmonter les situations d'impasse créées ?
Comment lui faire prendre conscience des conséquences néfastes de son attitude ?
„ La vraie intelligence de l'être humain, c'est sa capacité
d'adaptation. Les hommes se font à tout, y compris au pire. “
- Sebastiao Salgado -
Ces questions ne trouvent habituellement aucune réponse satisfaisante. Ainsi, les parents préoccupés par ces graves dysfonctionnements finissent par se résigner. Ils demeurent parfois très longtemps dans l'attente d’hypothétiques jours meilleurs, qu'ils entrevoient éventuellement une fois les enfants devenus adultes.
Les parents rejetés se plaisent aussi à imaginer les circonstances imprévisibles de la vie, pas toujours gaies, qui leur permettraient enfin d'exercer leur rôle parental.
Mais, avant cela, ils doivent s’adapter, parfois durant des décennies, à une situation pesante et contre-nature. Ils doivent d'abord se faire violence, pour ne pas dire, haut et fort, ce qu’ils ressentent face à un tel abus. Ils doivent apprendre à faire leur poing dans leur poche et à se taire, surtout après avoir essuyé des offenses et des calomnies. Ils doivent faire profil bas, dans l'espoir que l'aliénation se desserre et que l'enfant, pris en otage, puisse enfin avoir un rapport normal avec eux. Ils doivent accepter l'injustice et ne pas la nommer, au risque de froisser l'abuseur. Ils doivent se soumettre à des décisions grotesques et insensées, à des humiliations déshonorantes. Ils doivent supporter la présence de toutes sortes d'intervenants stupides ou incompétents qui se permettent de leur donner des conseils, sans aucune connaissance de leur situation, ni d'ailleurs de celle de leurs enfants.
Heureusement, la coercition permet aussi de mobiliser ses ressources et de fourbir de nouvelles armes pour lutter contre ce genre d'abus. Des armes pacifiques, fondées sur la réflexion et la logique, qui conduisent d’abord à une libération émotionnelle et ensuite à l'établissement d'une liste de priorités, établies à partir d'une hiérarchie de valeurs, qui visent à affirmer sa propre autonomie et son indépendance. C’est le parcours obligé de tous les parents victimes de l'aliénation qui ne désirent plus être mentalement liés à des comportements qu'ils réprouvent.
De nombreux parents sont confrontés quotidiennement à un ex-conjoint vindicatif, avec lequel ils partagent des enfants. Si chaque situation est différente et comporte ses caractéristiques particulières, toutes ont les cinq points communs suivants.
1. Un parent qui manifeste la volonté rigide d’éliminer tout contact avec l'autre parent ou de le limiter drastiquement.
2. Un parent qui ne se gêne pas d'impliquer directement ses enfants dans sa problématique, notamment en critiquant sans retenue l'autre parent.
3. Un parent qui cherche l'escalade, principalement à travers des fausses accusations et des procédures juridiques incessantes.
4. Un parent qui parvient à exclure, plus ou moins définitivement, son enfant de la famille du parent rejeté.
5. Un parent totalement incapable de reconnaître sa responsabilité dans la situation d'impasse produite.
Il est important de souligner que l'attitude de chaque parent est parfois très similaire, bien que chacun accuse l'autre d'être le seul à agir d'une manière préjudiciable.
Par conséquent, il est nécessaire au moins à l’un des parents, probablement celui qui est le moins intransigeant, de lâcher du lest et de reconsidérer la situation sous un autre angle. C'est-à-dire en s'interrogeant sérieusement sur sa participation, même involontaire, au renforcement de la situation dommageable. Parfois, le simple fait de ne plus se sentir concerné est suffisant pour changer la donne et pour mettre l'autre parent devant ses propres responsabilités. Bien entendu, un tel comportement a aussi le risque d'être mal interprété. Cependant, c'est aussi une affaire de conscience personnelle. Personne, à moins d'aimer vraiment les conflits, ne s'y complait indéfiniment.
Le choix de se consacrer à quelque chose de plus positif est bien plus qu'une alternative envisageable, c’est un choix existentiel décisif.
Une fois que ce nouvel état d'esprit est acquis, l'adaptation servile n'a plus aucune raison d'être ; de même que toutes les réactions et dispositions puériles, partant sans doute d'une bonne intention, mais qui se sont révélées toutes infructueuses. En effet, les lettres recommandées, les tentatives de raisonner l'autre, les énervements, les pertes de contrôles, les noms d'oiseau échangés, les actions en représailles, que ce soit en justice ou par de lâches manœuvres de sabordage, ne font que renforcer la situation d'impasse, en creusant encore plus le fossé entre deux entités foncièrement antinomiques.
L'acceptation raisonnée des limitations imposées par la situation, que l'on n'a jamais voulu reconnaître, est bien plus gratifiante, car elle ouvre de nouvelles perspectives. Dans ce cas, l’accommodement ne s'apparente plus à une capitulation. Il n'y a plus le sentiment de subir et de devoir se plier à des mesures injustes. Toute la logique de la relation se trouve modifiée. Ce qui est extraordinaire, c'est qu'il suffit qu'un seul parent prenne l'initiative de changer pour que la transformation s'accomplisse.
La pire des choses qui puisse survenir à ce parent, bien résolu à modifier son attitude, est que l'on considère qu'il est toujours le même. Il est fort probable que sa métamorphose, si elle a vraiment eu lieu, ne soit pas acceptée par l'autre parent. Il est à peu près sûr que cet autre parent ne modifiera pas d'un iota sa manière d'appréhender la situation.
Qu'importe ! Le problème n'est plus de réagir avec résignation ou hostilité au non-changement de l'autre, mais uniquement de réaliser sa propre transformation ! Et, surtout, de garantir que cette métamorphose soit réellement tangible. En fin de compte, il s'agit d'une certaine manière de montrer que face à une situation en apparence insoluble, il y a toujours la possibilité de choisir de s'en extraire. C'est le contraire de l'égoïsme que de chercher la libération, même si cela doit nous conduire à abandonner ceux qui veulent absolument rester dans un état d'oppression.
Il n'est d'ailleurs pas exclu que ces personnes finissent par se rallier à notre cause, lorsqu'elles constatent à quel point elles se sont mises dans de sales draps. L'adaptation est en définitive toujours double. Elle concerne non seulement celui qui se sent obligé d'accepter une situation déplaisante, mais aussi celui qui génère cette situation et qui a sans doute l'impression qu'elle est nécessaire à sa survie. Rien n'empêche cependant que chaque protagoniste évolue dans sa perception d'une juste adaptation, dans un but réciproquement satisfaisant.
À la place de blâmer l'autre parent ainsi que ses enfants et d'essayer de se conformer à une situation profondément pathologique, il est possible de choisir une vraie coopération, en reconnaissant ses propres failles et en s'adaptant à celles des autres. Finalement, le but n'est pas de montrer qui est le meilleur ou le plus fort, mais d'assurer, avec les ressources disponibles, l'éducation de ses enfants vers un monde meilleur.