Articles

La vraie nature du parent aliénant se révèle parfois derrière une fausse implication de partage parental, placée sous le signe du service minimum.

Ce genre de parent est capable de vous maintenir pendant des mois dans l’ignorance la plus totale de vos enfants et, subitement, il vous adresse une courte missive, vous indiquant qu’ils « vont très bien ». 

De nombreux parents écartés de leurs enfants se perdent en conjectures, lorsqu’ils essaient de donner un sens à un comportement si déstabilisant. 

Comment, en effet, concilier un black-out plus ou moins complet, entrecoupé de gentillesses inattendues ? 
Faut-il en conclure que le parent aliénant est revenu à la raison ? 
Ce qui est de bon augure. 
Ou au contraire, s’agit-il d’une échappatoire de plus, obéissant à un besoin difficilement définissable ?
Ce qui n’arrange rien. 

„A lie does not consist in the indirect position of words, but in the desire and intention, by false speaking, to deceive and injure your neighbour.“

- Jonathan Swift -

La plupart des parents soumis au régime du chaud et du froid ont, dans un premier temps, des réactions plutôt positives face à un soudain revirement, qui semble aller dans le bon sens. Ils se sentent alors rassurés de constater que leur exclusion n’est pas totale, comme ils le craignaient. 

Malgré leur position peu avantageuse, ils considèrent que ces petites « attentions » sont la preuve que l’on pense encore à eux. Ensuite, ils caressent volontiers l’espoir que la relation avec leurs enfants, la seule qui importe vraiment à leurs yeux, puisse s’améliorer. 
Autant l’admettre sur le champ, sans l’existence de ces derniers, ils auraient décroché depuis longtemps. 

Qui aspire à recevoir, si ce n’est que quelques mois, un tel traitement, mêlant fausses promesses et menaces à peine voilées, très similaire, d’un point de vue psychologique, à celui d’une personne qui doit traiter avec un preneur d’otage ? 

Malheureusement les espoirs de ces parents, contraints de traiter avec des parents qui ont kidnappé leurs enfants, aussi bien symboliquement que physiquement, sont presque toujours déçus. Le silence du parent aliénant fait généralement suite à sa reprise de contact calculée et aux tentatives du parent exclu de communiquer normalement avec ses enfants.

À ce stade, il est essentiel pour le parent exclu, fortement perturbé, tant qu’il ne comprend pas qu’il n’y est pour rien, de s'apercevoir que le service minimum obéit à une logique qui, en définitive, ne le concerne pas. 

Ce dernier point est particulièrement difficile à percevoir pour un parent écarté, qui reste avec l’impression que c’est sa faute, et qu’il n’a pas saisi toutes les complexités de la situation, alors qu’en réalité le comportement du parent aliénant obéit à d’autres impératifs. 

La prise de contact du parent aliénant vise uniquement à se donner bonne conscience, pas pour lui, car il n’en a cure, mais vis-à-vis de ses enfants et de son entourage.

Le parent aliénant a quatre objectifs principaux :

1. Se faire valoir d’un point de vue social.
2. Se faire bien voir auprès de ses enfants et de son entourage.
3. Faire en sorte que le parent exclu soit mal vu.
4. Prévenir les actes de représailles du parent exclu.

Dans quelle mesure ces quatre objectifs vont être remplis, dépend beaucoup moins de la volonté du parent exclu, quoiqu’il puisse y contribuer de manière substantielle, particulièrement s’il adopte un comportement irréfléchi en regard du troisième point, que de celle du parent aliénant qui dispose de toutes les cartes pour imposer le type d’interaction nécessaire à atteindre ces quatre objectifs. Le parent exclu n’a concrètement qu’une marge de manœuvre très étroite, puisque les vraies intentions du parent aliénant restent dissimulées dans la plupart des cas. 

Par exemple, l’éloignement imposé au parent exclu est pour le parent aliénant le moyen utilisé, sans jamais l’exprimer directement à ses enfants, ou alors de manière détournée, qu’il est pour sa part toujours disponible et à leur écoute. Contrairement à l’autre parent, bien sûr. D’ailleurs, il n’a même pas besoin d’exprimer cette vérité, car elle s’impose comme une évidence pour tous. Il est bien le seul à s’occuper des enfants, avec tout ce que ce constat, sans appel, exprime de vérités inconfortables pour eux. « L’autre parent ne se manifeste pas. » « Il ne s’occupe pas de vous. » « Il vous a abandonnés. » « Il ne vous aime pas. »

Comment de tels enfants pourraient encore s’attacher à un parent aux abonnés absents ? 

En plus d’obtenir, sans aucun effort, l’alignement de ses enfants, le parent aliénant renforce son image et sa position sociale. 
Que dit-on de lui ?
« Il est si dévoué et plein d’abnégation. » 
« Ses efforts, dans un contexte si difficile pour lui et ses enfants, sont vraiment dignes d’éloge. »

Qui pourrait douter, un seul instant, que ce parent ne soit pas l’exemple qu’il essaie désespérément de personnifier ?

Par conséquent, l’autre parent, dont le seul tort est d’être absent, même si c’est contre son gré, se trouve lui aussi jugé, mais, il va sans dire, de manière opposée. 
Accessoirement, le parent aliénant contrôle la position géographique de l’autre parent qui, en se manifestant, indique par la même occasion où il se trouve, et de quelle manière il pourrait éventuellement être neutralisé. Sur ce dernier point, il existe de nombreux cas où le parent aliénant est parvenu à obtenir toutes les informations nécessaires sur le parent exclu, sans lui-même avoir fourni celles qui le concernent, et surtout qui concernent ses enfants. Le service minimum consiste alors, dans ces situations très proches du kidnapping, à envoyer un mot à un parent exclu tout en dissimulant totalement le domicile des enfants. 
Le plus hallucinant dans ce processus de censure, c’est qu’il se trouve parfaitement justifié autant par des parents perturbés que par leur groupe de soutiens. Toutes ces personnes tirent à la même corde et prétendent être menacées par le parent exclu, alors que celui-ci cherche juste à avoir un contact avec ses enfants. 

Il y a probablement différentes manières d’expliquer la peur, complètement irrationnelle, qui émane de ces parents aliénants, mais le plus sûr moyen d’en vérifier la cause est de la relier au point 3 cité plus haut : faire en sorte que le parent exclu soit mal vu. Cette volonté n’est, à vrai dire, que l’expression la moins radicale d’un antagonisme bien plus fort, qui lui ne laisse plus aucune place au doute, lorsqu’il est mis à jour. 

Il s’agit bien en réalité pour le parent aliénant de rayer de la surface de la terre l’autre parent, et non seulement d’un point de vue symbolique. Il est impossible de saisir la signification de l’aliénation parentale en éludant la virulente hostilité qui anime ces parents aliénants, qui d’ailleurs nient totalement d’avoir de si sombres desseins à l’égard de leurs ex-conjoints. 

En plaçant la manipulation au cœur du mode opératoire du parent aliénant, il semble alors erroné de considérer la peur, une émotion si invalidante, comme le résultat direct d’un sentiment de culpabilité qui provient, chez une personne normale, de la réalisation d’une action que la morale réprouve. En d’autres termes, il ne semble pas que la peur du parent aliénant se rapporte au danger d’un acte de rétorsion de la part du parent exclu. Il paraît plutôt que la peur soit, chez lui, un signal utile à la mise en place de ses stratagèmes, notamment à travers l’aptitude de ce parent à garantir que les autres réagissent de la manière qu’il souhaite. Nous pouvons même envisager que la peur soit un simple réflexe pour faire face à l’ennui, car son pouvoir mobilisateur contient une force, qui permet alors au manipulateur de justifier son passage à l’acte. La peur serait donc volontairement recherchée, afin de libérer l’adrénaline utile à mettre en place les stratégies aliénantes, tournées autant vers la fuite que la confrontation. Le silence imposé par l’absence de communication pourrait être alors perçu comme une manifestation de la fuite. Alors que le service minimum est une étape préliminaire de la confrontation, qui va, selon les cas, déboucher sur la rupture de la communication et (ou) la poursuite active des hostilités.

Toujours en rapport à la peur, il est important de souligner que le parent exclu a, quant à lui, de bonnes raisons de craindre le comportement erratique et imprévisible du parent aliénant. Il s’agit d’une crainte diffuse, mais bien présente, qui, additionnée à celle provoquée par le silence de ses propres enfants, ne laisse rien présager de bon. 

De nombreux parents exclus se culpabilisent indéfiniment et inutilement au sujet de leurs propres erreurs, ainsi que de leur propre hostilité, bien compréhensible celle-là, car elle s’explique par une exclusion forcée difficile à digérer. Ces parents écartés restent déboussolés tant qu'ils ne parviennent pas à saisir que le nœud du problème n’a strictement aucun rapport avec leur propre comportement. Dans bien des cas, il faut se rendre à la raison : l'hostilité du parent aliénant est présente, quelle que soit l’attitude passée, présente ou future du parent exclu !

Il est ainsi tout à fait possible que le parent exclu n’ait jamais trompé son conjoint, contrairement à ce dernier, qu’il ait été abandonné et non le contraire, que ses enfants aient été enlevés et déplacés sur un autre continent, qu’il s’acquitte parfaitement de ses obligations alimentaires, sans pour autant que le parent aliénant ait minimement de meilleures intentions à son égard.

Paradoxalement donc, la lettre avec le gentil mot qui arrive après des mois de silence, ne se démarque absolument pas de la logique conflictuelle du parent aliénant, et ceci indépendamment de la réaction du parent exclu.

Supposons que ce dernier cherche spontanément à renouer le contact. Il suffit alors de s’opposer à ses initiatives en prétextant toutes sortes d’excuses, et, s’il persiste, de l’ignorer simplement. Rien n’est plus facile. Le seul risque que le parent aliénant prend est celui de voir le parent exclu se rebeller, excédé par ce jeu sadique du chat et de la souris. Mais, c’est bien sûr un risque calculé, car bien peu de parents ainsi tourmentés par un parent aliénant finissent par avoir des réactions regrettables. Par contre, il suffit d’un mot de travers de leur part pour qu’aussitôt le couperet de la censure s’abatte sur eux et que le refus de dialoguer trouve soudain une raison plus que recevable. 
Comment peut-on, en effet, poursuivre le dialogue avec un parent qui perd la maîtrise de ses nerfs ? Quel exemple catastrophique pour ses enfants !

Encore une fois, le service minimum est parvenu à obtenir ce qu’il escomptait, à savoir une reconnaissance unanime de la part des enfants et de la société, tout en accentuant la mise à l’écart de l’autre parent, dont la prétendue menace est de plus parfaitement située dans l’espace. Ainsi le parent, transformé en bouc émissaire, voit se creuser toujours plus le fossé entre lui et ses enfants. Quoi qu'il fasse, il se trouve dans un dilemme insoluble. 

Si l'on espère contrer la dynamique de l’aliénation parentale, il ne faut donc pas sous-estimer le rôle du service minimum ainsi que ses tenants et aboutissants. Le service minimum est bien une tactique manipulatoire qui vise à contrôler, à déstabiliser et finalement à détruire le parent exclu. 

Mais, pour quelle raison, penseront les observateurs neutres, qui peinent à saisir les motivations profondes d’un parent aliénant. 

Quel est l’intérêt d’un parent d’adopter un comportement si hostile, s’il existe la possibilité de résoudre les conflits à l’amiable, afin que les enfants puissent jouir de l’amour de leurs deux parents et de pouvoir les aimer à leur tour d’égale manière ?

En apparence, aucun. Pourtant, si nous faisons l’effort de nous mettre à la place de ce parent perturbé, en prenant soin au préalable de ne pas nous laisser influencer par nos propres valeurs, nous parvenons progressivement à dégager une motivation qui a un sens bien précis du point de vue de ce parent. 

Nous avons observé que la missive isolée à la base du service minimum vise à susciter une réponse, pour notamment prendre des nouvelles du parent exclu, ou plutôt pour le situer géographiquement et savoir ses intentions. Aucune manipulation de la réalité n’est possible si les paramètres de cette même réalité ne sont pas connus. L’initiative du parent aliénant est nécessaire pour s’assurer que tout fonctionne comme il le veut. Pour tâter le terrain, il se sert juste des sentiments que l’autre parent éprouve pour ses enfants. 

Comme nous l’avons vu précédemment, le parent aliénant n’a pas réellement peur du parent qu’il a mis sur la touche. S’il avait vraiment peur, c’est qu’il se sentirait coupable de quelque chose. Et, s'il avait le sentiment d’avoir fait quelque chose de mal, il chercherait comme tout le monde à y remédier. Or, il n’en est rien. Le parent aliénant n’a aucune conscience. Il a juste besoin de savoir où l’autre parent se trouve pour mieux le neutraliser. 
Peut-être est-il d’ailleurs déjà mort. Auquel cas, il n’hésitera pas à s’exclamer avec jubilation : « Bon débarras ! »

Tant que le parent exclu est en vie, il faut savoir où il se trouve, il faut fourbir ses armes, il faut être prêt à le contrer. Tous les efforts du parent aliénant sont tournés vers cet objectif principal, car le parent exclu est souvent le seul à avoir toutes les cartes en main pour pouvoir dénoncer la supercherie. 
À un stade avancé de l’aliénation, les enfants se sont alignés du côté du manipulateur et cela est bien sûr une grande source de fierté et de réjouissance pour le parent aliénant. Cependant, il demeure toujours le danger de l’influence nocive de l’autre parent. Dans l’esprit du parent aliénant et de ses enfants devenus ses complices, le monde s’est inversé et les rôles sont intervertis. C’est bien le parent exclu qui manipule et qui cherche à les abuser, et non le contraire. 

Nous pouvons voir la manipulation exercée par les parents aliénants comme la tentative d’imposer une vision tronquée, ou complètement falsifiée de la réalité, qui, une fois cristallisée dans l’aliénation, ne tolère plus aucune remise en question. 
L’autre parent doit être rejeté, car il incarne désormais le mal absolu. C’est-à-dire tout ce que le parent aliénant se refuse d’admettre en lui-même. 

Nous sommes tous capables du meilleur et du pire, mais le parent aliénant, dans son monde manichéen, réserve le pire aux autres. Il a de ce fait un besoin vital de personnifier le meilleur. Le parent exclu est une terrible menace, car il brise non seulement cette fausse image de soi, mais encore l’équilibre factice atteint avec les enfants. Le besoin de perfection du parent aliénant lui sert aussi de rempart contre la dépression et contre le sentiment très mortifiant de ne pas être à la hauteur de ses idéaux.

Si le parent aliénant a autant de difficulté à accepter son imperfection, c’est qu’il ne s’aime pas tel qu’il est, et que probablement, il n’a jamais réellement rencontré des personnes susceptibles de l'apprécier tel qu’il le souhaiterait. Le problème est qu’il ignore qui il est vraiment, sauf lorsqu'un sentiment de vide l’assaille de temps à autre, lorsqu’il ne manipule plus.

Il ne faut cependant pas se leurrer, la manipulation adoptée par les parents aliénants est un choix délibéré qui constitue une forme d’abdication face aux « dangers » de l’amour et du respect de soi, et par voie de conséquence des autres. 

Si la manipulation ne concerne que soi et que l’on nourrisse des idées grandioses sur sa propre personne, cela n’est pas obligatoirement préjudiciable à son entourage, quoique que dans les formes aiguës de la mythomanie, la folie guette, avec toutes les conséquences que cela implique.

Toutefois, lorsque la manipulation vise à dominer, à diviser et éventuellement à détruire les autres, il se pose immanquablement la question de savoir si les personnes qui agissent de la sorte ne tirent pas des avantages concrets d’un tel comportement. 

Ces gains obtenus, au prix de la tromperie et du mensonge, constituent un affront au bon sens et une injure à la morale. Diviser une famille pour se donner l’impression d’exister et d’être important est un abus dont les conséquences sont particulièrement néfastes pour les êtres en devenir que sont les enfants. Ces derniers apprennent, dès leur plus jeune âge, qu’il est possible de manipuler et de mentir impunément, non seulement sans devoir en rendre compte, mais en étant de plus récompensés par de telles pratiques. 
D’un point de vue éducatif, c’est tout à fait déplorable !

Une manière de renverser la vapeur est de réagir en dénonçant implacablement la manipulation dont les enfants ainsi que les parents aliénés sont victimes. Une manipulation qui, comme nous l’avons vu, se dissimule même dans les actes les plus insignifiants.

Bien que ce processus de démystification soit parfois long et qu’il nécessite au préalable la connaissance exhaustive du mode opératoire des personnes qui recourent à la manipulation dans leurs rapports interpersonnels, il est cependant réalisable. 
C’est un devoir éthique qui se préoccupe en définitive plus de l’avenir de la société civile, prise dans sa globalité, que du destin particulier de certains individus.